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CONCOURS DE NOUVELLES BEPOLAR 2022

Mon manuscrit n’est pas un des lauréats. Félicitations aux gagnant(e)s. Je suis fier d’avoir été lu par ce jury exceptionnel : Maxime Chattam , Céline Denjean , Claire Favan , Franck Thilliez , Celine de Roany , Chrystel Duchamp et Sophie Loubière.

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Ma nouvelle, est en accès libre après de ce petit texte. Vous pourrez y trouver les mots des guerrières qui se sont confiées à moi avec autant de courage que de pudeur. Elles nous offrent un cours de dignité !

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Félicitations au passage à la capitaine Valérie Daguès de la Police Judiciaire de Perpignan qui, tambour battant, traverse cette petite histoire-fiction pour mener à bien ses investigations. Il est fort possible que vous puissiez la retrouver dans d’autres enquêtes !

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Ce fût une aventure émouvante, elle m’a fait grandir. Merci à ces femmes, à qui je souhaite longue vie.

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Merci à #BePolar pour cette belle initiative.

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Enfin, impliquez vous dans le mouvement #OctobreRose. Bon nombre de magasins proposent des dons à la caisse... des cagnottes sont en ligne https://www.leetchi.com/c/solidarite-perruques Laissez vous allez ! C'est pour la bonne cause.

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N’oubliez pas de partager et de laisser un commentaire sur le Facebook Christian Gau, auteur de romans policiers, afin que leur mots traversent la toile et marquent les esprits !

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C’était une aventure émouvante, elle m’a fait grandir. Merci à ces femmes.


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​​​​​Gifles à Majorque.


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La nuit est belle sur Perpignan la Catalane. Quelques motos, échappements percés, brisent de temps à autre la quiétude de la rue Majorque. Rien d’inquiétant.


 

Mais vers trois heures, un immense fracas explose le silence. Quelques curieux se ruent aux fenêtres pour découvrir une scène hallucinante. Deux hommes cagoulés sont devant la vitrine d’une association, au 34. Un cabriolet vient de la pulvériser en reculant. Des fantômes sans visage se hâtent de prendre objets et cartons pour les jeter dans la « camionnette à ciel ouvert ». Une fois la moisson terminée, ils sautent à l’arrière. La capote reprend sa place, et le véhicule démarre. Le silence ne retombe qu’après une avalanche d’appels vers le 17.


 

Une demi-heure plus tard, la place ressemble à un congrès de policiers :


 

«Bonjour capitaine, étonnant que le SPJ soit là ! entame l’agent de Police Secours.

- La permanence de voie publique est occupée, alors on prend le relais, répond la capitaine Valérie Daguès en regardant les hommes de l’Identité Judiciaire chercher un indice dans une meule de fracas.

- C’est le local de l’association «Octobre Rose Toute l’Année», pour la prévention contre le cancer du sein et l’aide aux malades. Elle permet d’avoir des perruques, des services et autres, histoire de préserver moral et féminité.

- Ah mince ! relève la flic, coupée par un cri dans le public de badauds.

- J’ai tout vu ! lance un homme derrière la liane «Police Nationale – Zone Interdite».

- Bonjour, je vous écoute Monsieur, lâche Valérie en s’avançant.

- Il y avait trois gars cagoulés, gantés. Deux à pied, un dans une Renault cabriolet. Il a explosé la vitrine en reculant et ouvert la capote. Il n’y avait pas de siège. Les deux autres ont jeté un tas de trucs à l’intérieur et une fois fini, ils se sont allongés sur les objets. La capote s’est refermée et ils sont partis à fond. Des vrais fadas !

- Vous avez vu l’immatriculation ?

- CE et CR pour les lettres. Il y avait un quatre aussi ! Pas plus.

- C’est déjà beaucoup ! Merci. Laurent, tu lui prends une audition au plus vite ! Pour l’Identité Judiciaire, je vous laisse finir, je vais à la Police Municipale visionner les caméras, ajoute Valérie.


 

Elle quitte les lieux. A son passage, les murs de Perpignan se teintent furtivement de bleu rotatif. Cette ville, Valérie Daguès la connaît bien, elle en maîtrise tous les caniveaux. Dans chaque rue, elle a vécu un fait divers. Dix ans déjà qu’elle est au SPJ, le Service de Police Judiciaire. Chef de groupe, elle a voyagé dans tous les travers de l’âme humaine. C’est pourtant la première fois qu’elle constate un cambriolage de local pour aider des malades. Pour elle, impossible de lâcher l’affaire. Comme tout le monde, elle a des amies qui se battent contre ce crabe monstrueux. Il lui faut épingler ces types.


 

Dès son arrivée à la Police Municipale, elle gagne le Centre de Surveillance Urbain. Plus connue sous l’acronyme CSU, la pièce est un mur d’écrans :


 

« Bonjour, je viens suite à l’effraction du 34 rue Majorque ! Je voudrais voir les images, s’il y en a ! débute la policière, carte pro en main.

- Bonjour, capitaine. Nos patrouilles nous ont signalé la fuite d’une Renault 19 cabriolet verte ! Nous avons les vidéos.

- Super, faites voir ! répond Valérie.

- Regardez, la plaque est CE-549-CR. Volée cette nuit, rue Lamartine, un home-jacking. Les gens dormaient. Belle frayeur, en entendant partir la voiture après que le gars soit entré par la fenêtre pour voler les clés. Côté effraction, on a un tournevis, avec une trace de pesée d’1,2 centimètre !

- Tu m’étonnes ! Je vous fais passer la réquisition, mettez vos images sur ma clé USB.  Merci de contacter un responsable d’«Octobre Rose Toute l’Année» au plus vite. Demandez-lui de m’adresser sur ce mail une première liste d’objets volés», dit Valérie en tendant sa carte de visite. Elle quitte les lieux, direction le bureau.


 

A neuf heures, elle avise le procureur de la République, puis fonce chez son «taulier», comme disent les policiers, lorsqu’ils évoquent leur patron. Le commissaire divisionnaire Joseph De Freitas est un vieux de la Police Judiciaire. Brigade criminelle à Lyon, Stups à Nice, Lille etc... Une vie de faits divers qui le laisse pourtant avenant et souvent de bonne humeur :


 

« Salut ma Belle ! Raconte- moi les bêtises des méchants de la nuit !

- Outre les bagarres de poivrots, on a un bélier sur le local de l’asso «Octobre Rose Toute l’Année», 34 rue Majorque. Elle fait de la prévention contre le cancer du sein et aide les malades.

- Je connais, ma poule ! J’ai une amie qui est membre. Continue !

- Selon un témoin et les caméras de la ville, il s’agit d’une R19 cabriolet numéro CE-549-CR, évidemment volée !

- Volée où ?

- Vers minuit, un home-jacking, rue Lamartine, route de Canet-en-Roussillon.

- Je connais !

- Tu connais ?

- Oui, tu vis en couple, moi non. Il m’arrive de faire quelques rencontres ! D’autres questions indiscrètes, simple capitaine Daguès ? plaisante De Freitas.

- Non, non ! Pour le bélier, on fait quoi ? Super Commissaire « Dit-visionnaire ».

- L’Identité Judiciaire a trouvé quelque chose ?

- Selon leur dernier SMS, pas pour l’instant, ils bossent dessus.

- Ok ! La liste des objets volés ?

- Des documents de prévention, une cinquantaine de perruques, quelques centaines d’euros.

- Les documents sont en français ou en anglais ?

- Anglais, d’après le mail reçu à sept heures. Pourquoi ?

- Juste une idée ! Envoie une équipe de l’Identité Judiciaire gratter sur le cambriolage d’où vient la tire, et mets l’immatriculation sous surveillance, pour qu’on nous prévienne de la découverte. Avec dans les directives : «prendre mesures conservatoires» !

- C’est tout Sherlock ? demande Valérie Daguès, au garde à vous, grand sourire aux lèvres.

- Oui. Au boulot, Watson !» ponctue De Freitas avec un clin d’œil.


 

La journée passe à récolter informations à droite, indices à gauche. Quelques bribes qui sont autant de pièces du puzzle que l’équipe vient de commencer. Alors que Valérie étudie les vidéos, la porte s’ouvre :


 

« Valoche, la R19 a été abandonnée route du Boulou. Les gars avaient des bidons d’essence pour y mettre le feu, mais des chasseurs sont arrivés. Ils se sont barrés à bord d’un fourgon blanc non plaqué, sans pouvoir la faire cramer. Rien de plus. J’ai envoyé l’Identité Judiciaire pour la passer au crible, termine Joseph De Freitas.

- Merci Jo. Je dois recevoir la présidente de l’asso pour la plainte, on se voit après, ponctue la policière.


 

Une femme, visiblement choquée, entre dans le bureau. Elle pleure :


 

« Bonjour Madame ! Je suis la capitaine Valérie Daguès.

- Bonjour, enchantée, Claire Janin, euh... présidente, enfin de ce qui reste du local !

- Asseyez-vous, s’il vous plaît ! Café ? demande la policière, bienveillante.

- Non merci. C’est terrible d’être volé comme ça. Quelle gifle !

- Certains êtres humains n’ont aucune limite !

- Je vous crois.

- Parlez-moi de l’association, s’il vous plaît !

- Avec des amies, nous avons vu que chaque année la campagne «Octobre Rose» contre le cancer du sein a du succès. Afin de maintenir ce coup de projecteur, nous avons décidé de monter une association. Pour rester proche du but, nous l’avons appelée «Octobre Rose Toute l’Année». Le local du 34 rue Majorque est prêté par la mairie. Côté activités, nous distribuons des brochures pour informer les gens sur le besoin d’argent pour la prévention, la lutte et l’accompagnement. Nous organisons des évènements, lotos, repas, concours de danse Sardane etc.… pour lever des fonds. Une partie est donnée à la recherche, l’autre pour acheter des perruques aux femmes qui n’ont pas les moyens de le faire. C’est très cher ! Nous savons que pour amortir la dureté du traitement et garder le moral, il faut une bonne image de soi. Nous avons tissé un réseau de professionnels bénévoles pour aider les malades, esthéticiennes, masseuses etc... L’association a également une banque de cheveux dont la récolte sert à amortir le coût de fabrication des perruques. De la sorte, nous ne payons que le traitement capillaire et la main d’œuvre. Nous récupérons également les perruques de femmes qui n’en ont plus besoin, pour les redistribuer. Enfin, l’argent sert aussi à financer des prothèses mammaires pour celles qui ont des ablations mais pas d’aide. Nous leur apprenons à être des boxeurs, les oncologues sont leurs coachs, nous, les hommes de coin. Plus dur encore, c’est à elles  d’inventer les parades contre l’agression involontaire que devient leur quotidien. Chaque chimio traversée est un round de gagné. Ici, il n’y a pas de médaille d’argent ! L’équipe est le vecteur qui guide et conduit de l’annonce à l’acceptation. Notre humanité est là pour estomper la froideur des soins. On leur apprend à faire comme avant, même s’il n’y a plus d’avant. Mais aussi éviter qu’elles ne se voient comme l’ombre de leur ombre. Bref, à commencer une nouvelle vie, car la première a disparu !

- Ouf… ! C’est fort. Vous m’avez retournée !

- Ce n’était pas le but. On fait juste ce que l’on peut !

- Reprenons ! La documentation volée était en anglais, c’est cela ?

- Oui ! C’est étrange, la française n’a pas été touchée. Il y a aussi cinquante-quatre perruques de couleurs diverses et huit-cents euros en numéraire. D’habitude, on ne laisse rien, mais là, on a oublié ! Nous sommes assurées et la mairie, en attendant, va nous prêter un autre local.

- Vous avez eu des visites bizarres, ces derniers temps ? demande la policière en regardant la poitrine de Claire.

- Non, pas à ce que je sache ! Je vois que vous regardez ma poitrine ! Eh oui, il ne m’en reste qu’un !

- Je suis désolée !

- Mon sein m’a été enlevé en échange d’une chance de guérir. Restez en vie, demande parfois des sacrifices !

- Vous ne mettez pas de prothèse ? Enfin, comme les femmes que vous aidez.

- Non, non, je n’en ai pas souhaité. Bien que je sois en rémission, l’ablation témoigne de mon parcours. C’est un peu un laisser- passer vers les autres malades. Je suis crédible quand je les reçois.

- Je vous admire, faire tout cela pour les autres ! lâche la policière.

- D’autres l’ont fait pour moi. S’occuper des autres est une façon de s’occuper de soi-même ! Et vous, vous ne faites rien pour les autres ? Bien sûr que si, votre métier est entièrement dédié à cela !

- Merci de le souligner, Madame. Tenez, signez là, s’il vous plaît, pendant que j’imprime le récépissé de dépôt de plainte pour l’assurance. Je vais appeler la mairie pour avoir la leur et un devis des dégâts.

- Vous avez une piste, Madame ?

- Oui, mais je ne peux rien dire, hélas. Soyez assurée que nous mettons tout en œuvre pour trouver ces enfoi…euh ces voleurs ! Dès que je peux vous parler, je le fais ! Maudit secret professionnel ! termine la capitaine en souriant.

- Merci ! » répond Claire Janin en riant du « presque mot » lâché par Valérie.


 

Après avoir raccompagné la victime, Daguès retourne au bureau du divisionnaire De Freitas :


 

« Valoche, tu tombes bien. Le technicien vient d’appeler, il a une empreinte sur la bagnole !

- Non !

- Si, ma belle ! Comme les gars pensaient la brûler, ils ont dû être un peu imprudents sur la fin, du style enlever les gants, tu vois. Bref, on a une belle paluche sur le levier de vitesse. Elle a été agrandie et envoyée par mail au FAED…Ah ! Saloperie d’acronyme, j’ai juré d’arrêter ! Au Fichier Automatisé des Empreintes Digitales… Mieux, on a un nom !

- Punaise ! Envoie, je ne tiens plus !

- Mirko Trajkovic, 25/04/75 à Kragujevac - Serbie, de nationalité Française. Sur le dossier, il a une adresse chez sa sœur, Pava, 17 route du Perthus au Boulou.

- Il est connu pour quoi, le gazier ?

- Vols par effraction, vols de véhicules, port d’arme ! Il est tombé avec ses deux frères, Nikodim et Bogdan.

- Du petit lait ! A ton avis, qu’est-ce que foutent des gens d’origine Serbe dans cette histoire ?

- Ben, tu te souviens des cambriolages de cabinets dentaires dans la région ?

- Oui, c’était en zone gendarmerie, pourquoi ?

- C’était des Serbes, ils vidaient les cabinets pour revendre les fauteuils au pays ! Une chaise «de torture » d’occase vaut dix-mille balles là-bas !

- Ok, mais pourquoi les perruques et la documentation ?

- Les perruques c’est pour les vendre, ça vaut cher dans les pays de l’est où seuls les gens aisés peuvent s’en payer. Comme cette saloperie frappe au hasard, y a des malades friquées qui casquent. Imagine, deux-mille balles pièce, et il y en a cinquante !

- Waooh ! D’accord, mais la doc ?

- C’est intéressant pour des escroqueries de touristes, du style « donnez pour les pauvres malades du cancer du sein », et Hop tout dans la poche !

- Put...naise ! C’est dégueulasse !

- Effectivement ! Revenons à nos lascars, j’appelle le procureur histoire de voir ce qu’il veut faire ! On a un mec connu pour port d’arme, on va donc envoyer des porte-avions pour les réveiller !

- Tiens moi au courant ! » conclue Valérie Daguès en vidant son Nième café.


 

Le procureur fut évidement intéressé par la piste Serbe. Restait à l’étayer. Valérie fit mettre un sous-marin à l’adresse de la sœurette. Également connu sous le surnom de « soum », il ne s’agit que d’un fourgon aménagé. Deux hommes sont donc déposés dans «la cuve », à quelques dizaines de mètres de l’adresse. L’attente commence.


 

Environ quatre heures après, un Fiat Ducato blanc cabossé arrive. Trois hommes en descendent, têtes « pas titulaires mais presque », comme disait Coluche . Manifestement, ils ont la « gueule » de l’emploi ! Caché derrière son zoom, le Nikon claque, discrètement. Le policier actionne l’agrandissement sur la plaque d’immatriculation. Un petit coup de fichier. Bingo ! C’est bien les frangins. Informés, De Freitas et Daguès décident de les interpeller au matin. Une nuit de veille commence pour l’équipage du sous-marin.


 

Le lendemain, à l’heure du laitier, pas de croissant, juste un bon coup de bélier sur la porte de la villa. Une horde bleue hurlant « POLICE » entre, surprenant les malfaiteurs au lit. Personne ne résiste. Les perquisitions du fourgon, de la maison et de ses dépendances permettent de trouver des cartons contenant les cinquante-quatre perruques et la documentation volées. Quelques vêtements noirs, des cagoules et une arme viennent compléter le tableau de chasse. En malfaiteurs aguerris, aucun des trois ne lâche un mot. Le silence total !


 

Perquisition terminée. Tout le monde sort. Une ambulance arrive devant le petit pavillon. La porte arrière s’ouvre, une femme en descend :


 

« Je suis Pava Trajkovic ! Vous êtes chez moi, là ! C’est quoi le problème avec mes frères ? Pourquoi ils sont menottés ?

- Ils ont fait des vols et sont en garde à vue, Madame !

- Qu’est-ce que vous avez encore fait, bande de vauriens ? » termine la grande sœur en mettant un coup de sac à l’un des trois penauds.


 

Il explose, laissant voler tout ce que l’on peut trouver dans un sac à main, maquillage, mouchoirs etc.... Sur le sol, une carte de visite noire attire l’attention de Valérie Daguès. Elle la ramasse. En se relevant, la capitaine regarde la sœurette.


 

Coquettement vêtue de rose, la belle police de caractères indique « Octobre Rose Toute l’Année 34 rue Majorque 66 Perpignan - Claire Janin, présidente ». Valérie tend la carte à Pava :


 

« Vos frères ont cambriolé le local de cette association !

- C’est une blague ?

- Non Madame, hélas !

- Depuis un mois, ces gens m’aident, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Je n’avais rien dit à mes frères. Je reviens d’une première consultation à Montpellier où j’ai dû dormir sur place, poursuit la femme en s’approchant de ses frères.

- Calmez-vous ! Tente De Freitas. Trop tard !

- Vous êtes écœurants, tous les trois ! crie Pava en décochant une énorme gifle à chacun. Pas de jaloux.

- Désolé ! On savait pas ! reprend Bogdan en baissant le visage sur lequel on lit parfaitement la trace des doigts.

- Ne comptez pas sur moi pour vous apporter quoi que ce soit en prison. Je suis à votre disposition, commissaire !

- Capitaine, ça suffira ! Voulez-vous venir au commissariat pour une audition ? Nous pouvons vous véhiculer, si vous le souhaitez !

- Je veux bien ! Merci, accepte Pava regardant ses frères avec une immense colère, et en lâchant quelques mots dans leur langue natale.

- Je vais vous demander de parler français !

- Pardon ! Je les ai traités de grosses mer…

- C’est bon, Madame Trajkovic, nous avons compris ! Montez dans le véhicule de ma collègue. Pour tous, c’est parti, on se retrouve au service », ordonne De Freitas en claquant des mains.


 

Un long serpent bleu traverse Perpignan. A chaque croisement, il hurle pour signaler son arrivée. Les autres se garent, déférents devant un si grand reptile.


 

Le convoi stoppe 33 avenue de Grande–Bretagne, siège de la Police. Sous l’œil de la caméra, le long animal bleu emprunte le petit portail à l’arrière du bâtiment. L’entrée des artistes, bons ou mauvais. Les trois malfrats sont mis dans des bureaux séparés et la litanie commence : rappel des droits liés à la garde à vue, curriculum vitae, explications sur les objets découverts, bref tout ce qui meuble ce huis-clos de vingt-quatre ou quarante-huit heures.


 

Entre le crabe ayant pénétré par effraction dans la vie de Pava et la trace de main qu’ils portent encore sur la joue, les malfrats ont visiblement pris une double gifle. De quoi délier les langues. A la surprise des Officiers de Police Judiciaire, ils avouent. Reconnaissent tout. Le vol du véhicule par home-jacking dans la maison, le bélier sur le local, et même d’autres faits. Jusqu’à leur appartenance à une filière des pays de l’est pour l’export de matériel médical volé. Là, ils ne s’étalent pas plus, pour leur sécurité. Il faut dire que les associés, restés au pays, sont tout sauf des enfants de chœur ! Donc motus.


 

Madame Janin arrive pour la restitution des objets, ordonnée par le procureur. Dans le couloir, elle croise une femme, tête basse.


 

« Madame Trajkovic ! Mais qu’est-ce que vous faites là ?

- Bonjour, Claire. Ce sont mes frères qui ont cambriolé le local ! Je comprendrais que vous ne vouliez plus de moi ! explose la pauvre femme.

- On ne choisit ni sa famille ni d’avoir un cancer, Pava. Vous êtes toujours la bienvenue !

- Je vais rembourser ce qui a été endommagé !

- L’argent n’est pas une priorité ! Notre combat est ailleurs.

- Merci, merci, lâche Pava entre deux sanglots.

- Rassurez-vous, quand on survit à cette saloperie la vision de la vie change ! La vôtre et celle des personnes autour de vous. Gageons qu’elle fasse réagir vos frères. Je connais beaucoup de gens qui, en découvrant des malades autour d’eux, ont décidé de vivre l’instant présent, comme si c’était le dernier. Parce que cela peut effectivement être le cas. Cette pourriture de cancer nous rappelle que nous sommes, à la fois tout et presque rien. L’argent n’est qu’illusion. Il sert à vivre, mais n’est pas LA vie ! Riches, pauvres, nous sommes tous égaux devant la maladie. Plus de milliardaire, plus de yacht, plus de luxe…plus rien ! Juste l’espoir de survivre. De vivre, voir grandir ses enfants. Le reste n’est qu’inutilité. Revenez nous voir, avec l’équipe nous partageons cette philosophie.

- Merciii ! » s’effondre Pava.


 

Le regard de Claire balaie la pièce. Valérie Daguès observe la scène, les yeux pleins de larmes. Visiblement la gifle de Majorque n’a pas frappé que la famille Trajkovic.


 

« Valérie !

- Hein ?

- Chuuuuuut…Ils arrivent...Ils sont trois ! souffla Redouane El Arfi.

- Mince je me suis endormie ! Je repensais à l’affaire Trajkovic. »


 

Le Nikon recommença à claquer dans le silence du sous-marin. Épuisée, Valérie Daguès s’essuya les yeux.

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Dédicaces :

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A ma mère, Josette Gau,

A ma presque sœur, Isabelle Ravel,

A trop d’autres femmes,

Merci à celles qui m’ont livré leurs poignants témoignages.

A Feue ma grand-mère, Henriette Genève,

A Feu mon cousin, Bernard Gau,

Et trop d’autres ami(e)s parti(e)s vers la lumière,

Tous victimes d’un monstrueux crustacé, entré par effraction.

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